Juste une modeste réflexion , tirée de la lecture de revues et de la BD ci-dessus nommée , écrite par Philippe Bihouix et illustrée par Vincent Perriot .
Alors, peut-on croître à l’infini ? Ou devrions-nous , au contraire , concentrer nos efforts sur la mise en œuvre d’une sobriété organisée, plutôt qu’une course en avant effrénée ?
A en croire les milliardaires de la « Teck » et les décideurs de notre modèle économique , notre destin passerait inéluctablement par les métavers, l’intelligence artificielle, les robots autonomes et la conquête spatiale, tandis que les énergies renouvelables et les voitures électriques nous permettraient de maintenir notre « niveau de vie » tout en poursuivant la croissance économique et en « sauvant » la planète au passage.
Hélas , depuis l’ère industrielle , les limites planétaires se rapprochent dangereusement : changement climatique, effondrement de la biodiversité, dégradation et destruction des sols, acidification des océans pollutions globales , etc…
Et si la contrainte sur les ressources matérielles à disposition, sur la planète et même pour certains , dans le système solaire, mettait fin à cette course en avant effrénée ?
A travers les âges, l’humain n’a cessé de construire, d’inventer, de faire reculer les limites du possible.
Des premières civilisations à l’antiquité grecque , de la Rome antique au Moyen-Âge jusqu’à l’époque moderne, on ne compte plus la pléthore d’innovations qui ont permis à notre civilisation de grandir. Mais, parce qu’il y a un « mais », celles-ci s’accompagnent souvent de déboires : limitation des ressources, gaspillage, production de déchets , pollution généralisée … Ces conséquences sont nombreuses , il en découle que l’avenir amène son lot de questions :
Que nous restera-t-il , quelles seront les ressources épuisées ?
Peut-on croire que la technologie constituera la solution aux pénuries ?
Au Moyen Age, contrairement à une idée reçue, ce fut une époque où de nombreux progrès techniques eurent lieu. Vers le XIIIe siècle, il y eu donc une ambiance plutôt progressiste, tant du point de vue technique que des idées. En son temps ( aux alentours de 1800 ) Malthus évoque bien sa théorie sur la crainte que , plus d’hommes , de richesses , de machines , engendrent moins de nourriture , d’emplois , de pouvoir d’achat… ce fut tout de même la période où se déroulèrent les transformations des révolutions industrielles. Avec les guerres mondiales, la question du progrès et de la science se posèrent . Dès les années 30, et encore plus à partir des années 1950, la question qui domine est celle de la population, ou plutôt de la surpopulation. Pourtant , un autre courant se développe, alimentant lui l’espoir d’un monde toujours plus abondant où les innovations permettront toujours à l’humanité de subvenir à ses besoins matériels : le mythe de la corne d’abondance !
Le « Cornucopianisme » correspond à ce mythe de la « corne d’abondance » : Un Cornucopien, c’est quelqu’un qui a la conviction et qui pense que l’on trouvera toujours de nouvelles ressources , que les progrès technologiques sont « LA » solution pour résoudre les problèmes rencontrés par l’humanité, notamment le défi écologique ;
Si l’on a pu croire jusqu’à présent que cela a été le cas , une autre réalité se profile : tout montre que les ressources tirées de ces nouveaux gisements sont toujours plus difficiles d’accès et que nous sommes aujourd’hui dans un cercle vicieux : on a besoin de toujours plus de pétrole… pour aller chercher du pétrole. Cercle vicieux , et pourtant , on a jamais extrait autant de ressources qu’actuellement et il se dit que dans les trente prochaines années , on va en extraire plus que depuis l’aube de l’humanité .
La science , qui se trouve paradoxalement contestée par un nouvel obscurantisme , souligne que les conséquences sont nombreuses : pollution, déforestation, rejet de boues toxiques, métaux lourds qui restent dangereux pendant des siècles, consommation massive d’énergie, émissions de gaz à effet de serre, etc. Avec un cercle vicieux qui s’est formé au fur et à mesure de l’exploitation des ressources de la croûte terrestre , l’extraction des ressources naturelles atteint un rythme insoutenable matérialisé par une notion mathématique : la courbe exponentielle
Deux visions s’opposent donc sur une croissance qui se heurte aux limites matérielles et, de l’autre, ceux qui pensent la croissance comme illimitée.
La croissance est une fonction « exponentielle » : par exemple, si on continue d’augmenter de 2% la quantité de métaux que l’on extrait chaque année, elle va doubler tous les trente-cinq ans. Et dans quelques centaines d’années, il nous faudra les métaux du système solaire tout entier…
Croissance et utilisation des ressources , émissions de gaz à effet de serre et destruction des écosystèmes étant la résultante des 2 premières , sont intimement liées dans la même courbe .
Évoquons la question des métaux. Les durées possibles d’exploitation sont très variables. Comme les ressources sont généralement dispersées, on a exploité jusqu’à ce jour , seulement là où elles étaient concentrées. De nouvelles technologies peuvent aussi permettre d’exploiter ce qu’on ne savait pas faire avant. Mais il faut aussi mesurer l’absurdité qu’on peut se permettre d’extraire de l’or qui est 100 000 fois moins concentré que le fer parce qu’on le considère comme plus précieux, et qu’on le paie donc plus cher. Autre exemple , chaque année, 25 milliards de tonnes de terre fertile finissent dans la mer , entraînées par l’eau et le vent à cause de nos pratiques agricoles intensives qui mériteraient d’être repensées .
La question des ressources encore non exploitées , que ce soit aux pôles ou dans les mers et océans, montre des évolutions possibles, mais quelque peu effrayantes. Certains métaux actuellement utilisés sont difficilement substituables et des chercheurs pensent que l’’on pourrait orienter l’innovation vers l’utilisation des « éléments de l’espoir » qui sont les métaux les plus abondants comme le fer.
Sachant que la technologie transforme la société comme le montrent quelques exemples éclairants que sont la course vers le tout électrique avec son emblématique voiture , le numérique et son monde connecté avec le smartphone au multiples usages , que penser de ce modèle autodestructeur puisque gros utilisateur de ressources ?
Notre société « immatérielle » et « virtuelle » repose sur une exploitation inédite de la nature et des humains dans les mines et les usines, loin des cités et des yeux occidentaux nous menant à une impasse, ou du moins à vivre une parenthèse enchantée d’abondance matérielle, qui sera très ponctuelle à l’échelle de l’histoire de l’humanité .
Les percées technologiques qu’on a vécues et qu’on va continuer à vivre – sur la chimie des batteries et la nano – électronique, par exemple – ne freinent pas la consommation de ressources , au contraire , l’extraction augmente plus vite que le PIB. Les métaux sont de plus en plus rares, et on s’éloigne du recyclage.Apparemment les effets négatifs et imprévus de ces technologies n’apportent que de fausses réponses à nos besoins crées par notre modèle et sa publicité N’y auraient ils pas des mesures qui tendraient à limiter le prélèvement de ces ressources , voir le ralentir drastiquement et par là même en réduire son impact désastreux ?
Le recyclage qui trouve vite ses limites, la sobriété, le low tech en secours pour une civilisation vivable ?
L’économie circulaire peut être une partie de la solution , sachant qu’il faut tenir compte du fait qu’on ne peut pas recycler à l’infini . Autre problème : on n’utilise pas les métaux sous leur forme pure , mais on les mélange dans des milliers d’alliages de compositions différentes . On comprend mieux cela à travers l’exemple , toujours d’une voiture et surtout du smartphone. Car un smartphone nécessite et génère plus de 1000 fois son poids en ressources et en résidus de minerais inexploitables dont il a fallu extraire les métaux nécessaires, , soit environ 200 kilos !
Le smartphone, cet objet indépassable est un concentré de technologies nécessitant 45 métaux différents, sur la soixantaine extraits dans le monde pour l’ensemble des objets numériques . Sa durée de vie est est de trois ans en moyenne , contre 30 ou 40 pour un tramway. Et quand il arrive au recyclage, une grande partie de ces métaux, qui sont mélangés dans des systèmes miniaturisés, va être perdue après broyage et fonte des appareils. Au mieux, les processus industriels permettent de récupérer, et jamais à 100%, qu’une quinzaine de métaux sur la totalité , tout ceci augmenté par le gâchis immense de matériaux utilisés dans des usages anecdotiques.
Je ne peux passer sous silence l’activité très lucrative de multinationales qui consiste à récupérer ces produits non traités , de les expédier à destination de pays en voie de développement où les enfants et les plus fragiles essaient d’en tirer un revenu de survie .
La sobriété , la prise en compte du « techno discernement » afin de lutter contre la complexité technologique qui est à l’origine de l’obsolescence , sans rien apporter de primordial . Également l’optimisation de la conception et du faire durer que l’on dénomme « low tech »
Autres sources de sobriété à creuser : réduire le poids des voitures, qui font aujourd’hui en moyenne 1 à 2 tonnes pour transporter la plupart du temps moins de 100 kilos de passagers et de bagages, un gâchis énergétique « stupide ».
Ensuite appliquer le techno-discernement : qui consiste à renoncer à truffer nos objets du quotidien d’électronique souvent inutile, pour réserver nos ressources à des innovations qui ont une vraie valeur ajoutée, comme en médecine. En fait ne pas être les promoteurs de ce « techno-solutionnisme » abondamment promu par les architectes de la tech.
Pourquoi ne pas mutualiser les 4 réseaux d’antennes téléphonie mobile ? On imagine pas 4 tuyaux d’eau différents arrivant chez nous ! En les mutualisant, on diviserait par deux la facture électrique en France, soit l’équivalent d’un grand parc éolien offshore, sans aucune conséquence visible pour le consommateur.
Plusieurs pistes sont évoquées comme le fait de passer à une économie de la maintenance et du low tech ( qui mériterait à elle seule une page entière ) qui serait elle aussi créatrice d’emplois. Les questions du partage du travail, des modèles agricoles sont aussi posés. Dans de nombreuses civilisations, le système de valeurs incite à la modération .
Prenons conscience de l’ampleur des défis qui nous attendent afin de préserver au mieux la planète . Ne tombons pas non plus dans la caricature en prônant un retour à la bougie , en hiérarchisant nos besoins , en conservant par exemple les investissements dans le domaine de la santé tout en limitant l’usage par exemple des frigidaires ou des litières connectées . Un bon sens que nous oublions souvent devant la puissance du marketing.
« Et si c’était ça, notre nouvel imaginaire : œuvrer au retour des insectes comme les lucioles ou comprendre le langage des baleines, plutôt que de projeter des vies souterraines sur Mars qui ne s’annoncent guère sexy… Et, fondamentalement, se laisser gagner par la beauté du vivant, en train de disparaître …
Jean Louis Dupin .